Avant 550
591
Saint Grégoire de Tours, successeur de saint Martin sur le siège épiscopal de Tours, vient en pèlerinage à Ligugé en 591 et laisse un compte rendu de sa visite.
Un tiers de sou d'or, frappé à Ligugé vers la même époque, atteste l’importance qu’avait alors l’abbaye dans la vie économique du Poitou.
VIIe siècle
Dans le dernier quart du VIIe siècle, un moine de Ligugé, Defensor, recueille dans une anthologie 2 950 citations dont 353 du Nouveau Testament et 792 de l'Ancien Testament et 1 800 citations patristiques (dont 717 d'Isidore de Séville) : c'est le " Liber scintillarum ". Aucune allusion n'y est faite aux controverses dogmatiques de l'époque ; on ne relève aucune citation d'écrivains de l'antiquité païenne et aucun emprunt à la Règle de saint Benoît. L'ouvrage, cependant, révèle ce que pouvait être la bibliothèque et les lectures des moines de Ligugé au début du VIIIe siècle. La préface de l'auteur indique son propos et manifeste sa modestie. Vers 700.
VIIIe-IXe siècles
Une importante dalle funéraire carolingienne portant l’inscription d’un abbé ayant fait rebâtir la basilique de saint martin, ainsi que des traces archéologiques d’une église du début du IXe siècle attestent la vitalité de l’Abbaye au temps de la réforme bénédictine de Benoît d’Aniane.
IXe-Xe siècle
Pendant un siècle et demi, Ligugé s’enfonce dans le silence ; il semble bien que les raids Normands et les guerres entre prétendants carolingiens aient ruiné le pays et forcé les moines à chercher un lieu moins exposé.
Vers 1003
Aumode de Poitou, épouse du comte Guillaume V le Grand (c. 969-1030), rétablit à Ligugé un sanctuaire martinien, destiné à recevoir les pèlerins et desservi par quelques moines venu de l’abbaye vendéenne de Maillezais que le couple comtal a fondée quelques années plus tôt.
1181
Guibert, aumônier et confident de sainte Hildegarde et futur abbé de Gembloux, vient en pèlerinage à Ligugé et, dans la narration très vivante qu’il fait de sa visite, atteste que le petit sanctuaire de la comtesse Aumode s’est développé au point de devenir un prieuré de moyenne importance.
1197
Ligué apparaît officiellement comme prieuré dépendant de l’abbaye de Maillezais dans une bulle de Célestin III (1191-1198), mais le rattachement à l’abbaye du Marais était fait depuis au moins un demi-siècle, ainsi que divers actes concernant Ligugé et impliquant des moines de Maillezais permettent de le déduire.
1268
Alphonse de Poitiers, frère de saint Louis, accorde le droit de Haute et Basse Justice au Prieuré de Ligugé. Le roi Philippe III le Hardi confirme cette concession perpétuelle en 1275.
1307
Le monastère de Ligugé devient la résidence campagnarde du pape pendant son séjour à Poitiers. Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, devenu pape sous le nom de Clément V, rencontre Philippe le Bel à Poitiers, et vient souvent se reposer à Ligugé des fatigues des conférences qu’il avait alors avec le roi de France. C’est de Ligugé qu’il annoncera à ce dernier, le 24 août 1307, qu’il allait faire procéder à une enquête sur l’Ordre du Temple. En remerciement pour l’hospitalité dont il avait bénéficié à Ligugé, Clément V donnera, en 1310, une bulle d’indulgence pour le pèlerinage martinien.
1359
Occupé une première fois par les troupes anglaises en 1346, le prieuré de Ligugé est détruit en grande partie, en 1359, par les tenants du roi de France, pour empêcher les Anglais d’en faire un point d’appui dans leur tentative d’enlever Poitiers.
XVe siècle
Bien que partiellement reconstruit et de nouveau occupé par des moines de Maillezais, le prieuré de Ligugé est en bien piètre état à la fin de la guerre de Cent Ans.
1501
Le prieuré de Ligugé passe sous le régime de la commende. En 1504, celle-ci échoit à Geoffroy d’Estissac, ami des arts et des lettres, protecteur de François Rabelais, dont il fait son secrétaire, et bientôt élevé au siège épiscopal de Maillezais (1508). Geoffroy d’Estissac fera effectuer d’importants travaux de réfection et de reconstruction à Ligugé, édifiant un logis et une église qui subsistent encore.
C’est à cette époque que Rabelais séjourne à Ligugé où il rédigera d’ailleurs sa première œuvre en français.
XVIe siècle
Le prieuré est de nouveau partiellement ruiné pendant les guerres de religion, incendié lors du siège de Poitiers par les troupes de Coligny en 1569 et son avoir est lourdement grevé par les diverses contributions financières auxquelles il est soumis.
1607-1761
Le 4 février 1607, Henri IV fait don du prieuré de Ligugé aux jésuites qu’il a établis pour ouvrir un collège à Poitiers. Malgré l’opposition des Poitevins, qui souhaitaient un collège royal, les jésuites finirent pas avoir gain de cause et Ligugé, où ils firent d’important travaux de restauration et construisirent un nouveau bâtiment, devint leur « maison de campagne » dont ils perçoivent les bénéfices et font assurer l’office par des choristes.
Cela perdurera jusqu’à 1762, date de l’expulsion des jésuites du royaume de France. Le prieuré, malgré l’opposition que firent alors les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, revint à la manse épiscopale qui le gèrera en tant que bénéfice vacant, jusqu’à la Révolution.
1792-1793
Le prieuré de Ligugé et l’ensemble de ses biens sont saisis et vendus comme bien nationaux. Racheté par le minotier Véron, le prieuré restera dans sa famille jusqu’au milieu du XIXe siècle.
1852
Au début de l’année 1852 le prieuré de Ligugé est mis en vente par les descendants de l’acquéreur de 1793 et Mgr Louis-Edouard Pie, évêque de Poitiers, en fait l’acquisition le 1er mars 1852 pour que son ami, dom Guéranger, puisse y restaurer la vie monastique.
1853
Le 19 novembre 1853, Mgr Pie donne une charte rétablissant le statut monastique de Ligugé et, le 24 novembre suivant, quatre religieux, venus de Solesmes en compagnie de dom Guéranger, sont installés à Ligugé.
1856
Pie IX restaure le titre abbatial.
1864
Dom Guéranger nomme dom Léon Bastide comme premier abbé.
1880
Sous l'abbatiat de dom Bourigaud, l'abbaye de Ligugé restaure en 1880 l'antique abbaye de Silos en Castille, au sud de Burgos.
1893-1900
Fondation par Ligugé, en 1893 du monastère de Paris et, l'année suivante, restauration de l’abbaye normande de Saint-Wandrille.
En 1891 est créée l'imprimerie monastique, ancêtre de l'actuelle imprimerie Aubin. D’importants travaux d’agrandissement sont réalisés dans les bâtiments conventuels.
Pendant ces années, dom Besse, connu pour ses travaux historiques, accueille Joris-Karl Huysmans comme oblat. C’est à cette même période que se situe le séjour de Paul Claudel à Ligugé et que le peintre Forain se convertit, à Ligugé, à Noël 1900.
1901
La communauté, expulsée à la suite des lois anticongréganistes, se réfugie en Belgique, à Chevetogne.
1923
Les moines peuvent revenir d’exil et, en août 1923, reprennent la vie régulière à Ligugé.
1929
L’église abbatiale étant devenue paroissiale pendant l’absence des moines, ils font construire une église claustrale dont la dédicace est célébrée le 12 octobre 1929.
1940-1944
Une partie des communs de l’abbaye est réquisitionnée par l’occupant.
Du 5 au 13 août, en attendant son passage en zone libre, préparé par le monastère, le futur Président du Conseil, Robert Schumann, réside à l'abbaye. De même M. Amadou Bow, Sénégalais, futur directeur général de l'UNESCO. Le Père Lambert, membre du réseau " Renard " dans la Résistance est décapité au camp de Wolfenbüttel le 3 décembre 1943.
1945
A Ligugé, création d'un atelier d'émaillage qui travaille sur des maquettes de Georges Rouault, Georges Braque, Alfred Manessier, Marc Chagall, Edouard Goerg, André Marchand, Jacques Villon, Léon Zack.
1950-1960
Des fouilles sont pratiquées sur le site de Ligugé et permettent de mettre à jour les couches archéologiques de notre très ancienne histoire, celle du premier établissement monastique fondé en Occident.
Seize siècles d’histoire ne signifient pas seize siècles de monachisme. Plusieurs fois, la vie monastique s’est interrompue à Ligugé, mais l’esprit de saint Martin a toujours soufflé sur ce lieu béni pour susciter de nouvelles restaurations. Pendant seize siècles, les moines de Ligugé ont fait preuve de persévérance, de modestie et de sérieux. Expulsés, dispersés, exilés, ils sont revenus avec fidélité au lieu même sanctifié par saint Martin. Le monastère de Ligugé n'a jamais eu le prestige et le rayonnement de Cluny, de Saint-Denis, de Cîteaux ou du Mont-Saint-Michel, mais les moines qui ont vécu ici ont prié et travaillé avec sérieux dans le silence, l'obéissance et l'humilité, "afin qu'en tout Dieu soit glorifié".
Aujourd'hui
Aujourd'hui, l'abbaye de Ligugé compte un peu plus de 25 moines, qui ont choisi de vivre à l'Abbaye selon la Règle édictée par Saint Benoît au VIe siècle. Comme dans tout monastère bénédictin, la vie de la communauté est rythmée par des temps de prière, des heures de travail, des moments de vie fraternelle.
Historique
L'histoire de l'abbaye de 361 après JC à nos jours
361
C'est l'année même où Martin, originaire de Pannonie et officier de la garnison impériale, s'installe à Ligugé sur un site cultuel gallo-romain partiellement ruiné, le lieu lui est offert par saint Hilaire, évêque de Poitiers. Il avait auparavant beaucoup voyagé dans l'Empire. En garnison à Amiens (épisode du manteau partagé), puis à Trêves, il avait pu y fréquenter saint Athanase exilé là par l'empereur arien et qui rédigeait alors la "Vita Antonii". Quand il se retire à Ligugé, Martin peut avoir une quarantaine d'années. Dix ans plus tard, il devient évêque de Tours et il meurt à Candes, au confluent de la Vienne et de la Loire, en 397.